Le port de burkinis dans les piscines municipales ? Un « non-sujet », répond Eric Piolé. Maire EELV de Grenoble s’est confié au 20 minutes ce mardi, confirmant qu’il entendait faire évoluer le règlement intérieur des piscines de Grenoble afin de lever les interdictions en vigueur. Alors que Laurent Wauquiez, le président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a menacé de supprimer toute subvention si la mesure était appliquée, l’élu écologiste estime agir pour favoriser l’égalité d’accès aux services publics.
Présenterez-vous une délibération sur l’autorisation du port du burkini dans les piscines municipales de Grenoble lors du conseil municipal du 16 mai ?
Oui en effet. Au prochain conseil municipal, nous proposerons une nouvelle ordonnance sur les piscines qui annulera les étranges interdictions d’il y a dix ans. Voici comment nager seins nus dans les piscines de Grenoble. Vous pouvez venir avec un maillot couvrant pour vous protéger du soleil. Vous pouvez venir avec un maillot de couverture pour d’autres raisons. C’est l’égalité d’accès à la fonction publique. Ce nouveau règlement entre en vigueur le 1er juin, peu avant l’ouverture des piscines d’été.
Cependant, l’été dernier, vous avez déploré les opérations burkini de Citizen Alliance. Pourquoi ce changement ?
Ils ont enfreint les règles, alors nous les avons punis. J’ai réagi à cela. Mais en 2018 nous avions déjà eu une première discussion sur ce sujet [règlement des piscines], notamment à cause de la canicule et des maillots de bain couvrants, interdits dans la piscine. Nous avions aussi travaillé sur l’égalité des sexes, sur le fait qu’il n’y avait aucune raison que les seins des femmes aient un statut différent de celui des hommes dans les piscines grenobloises. Donc voila. Le temps a passé, il y a eu le Covid, mais nous avons repris le dossier et le parcourons avant l’ouverture des piscines d’été.
L’opposition et la gauche élue ont annoncé leur opposition à la décision. Certains vous accusent de favoriser l’islamisme radical, que leur répondez-vous ?
Je leur ai renvoyé la question : qu’est-ce qui fait que la « lépénisation » et la « zemmourisation » de l’esprit font que nous considérons la façon dont les femmes s’habillent et se déshabillent comme un sujet identitaire ? Ce n’est pas une question d’identité, c’est une question d’accès à la fonction publique. Le présent règlement de piscine est un non-sujet. Il y a une dizaine d’années, peut-être pour des raisons trompeuses, des interdictions ont été imposées qui n’avaient pas leur place dans la loi, car les piscines sont une question de santé et de sécurité. Maintenant, nous supprimons ces interdictions et revenons à la situation précédente. Encore une fois, cela ne devrait pas être un sujet et devrait être envoyé comme une lettre à la poste.
Quand vous dites « levez les interdictions », cela inclut-il les shorts de bain, qui ne sont pas autorisés dans les piscines municipales ?
Les shorts larges sont interdits pour des raisons d’hygiène et le resteront à l’avenir.
Vous prenez cette décision pour des questions de laïcité ?
Non, ce n’est pas une question de laïcité. On ne parle pas de laïcité dans les piscines ou dans les rues. Nous avons le même statut juridique et légal. Les restrictions liées à la laïcité s’appliquent à l’école aux élèves, aux enseignants et aux fonctionnaires. Ils représentent les fonctionnaires et les titulaires d’un contrat de service public. C’est tout. Pour le reste, vous pouvez vous habiller comme bon vous semble dans la rue. Vous pourrez vous y baigner à loisir dans les piscines de Grenoble.
Ne craignez-vous pas que cette décision provoque des remous dans le public et les Grenoblois ?
Non, il n’y aura pas de problème. Tout le monde peut se rencontrer. C’est la même chose lorsque vous vous tenez à côté d’une personne, vous ne vous demandez pas quelle est son orientation sexuelle. Ou quand vous marchez dans la rue, vous ne regardez pas si un tel porte un pantalon ou une robe.
Cette décision pourrait-elle entrer en vigueur le 1er juin, onze jours avant les élections législatives ? Est-ce votre travail de marquer politiquement le coup d’Etat ?
Non, le calendrier est celui de l’ouverture des piscines. La « lépénisation des têtes » est évidemment dramatique et le gouvernement a joué avec. M. Darmanin a indiqué qu’il était choqué par les rayons halal ou casher des supermarchés. M. Blanquer a également joué avec les interdictions vestimentaires en disant que les « tops courts » ne devraient pas être portés à l’école. Sur les « crop tops » comme sur les seins nus, il vaudrait mieux éduquer le regard des garçons que d’imposer des restrictions aux femmes. Pour le reste, il s’agit d’égalité d’accès à la fonction publique. En réalité, cette évolution de la réglementation des piscines doit plutôt être vue comme une avancée sociale.
Emmanuel Macron a-t-il répondu à la lettre que vous lui avez envoyée vendredi ?
Non, nous n’avons pas eu de réponse. Nous n’avons pas non plus reçu de réponse à notre demande pour que le gouvernement réalise une étude sur la réglementation des piscines. Il vaudrait mieux que la question soit abordée au niveau national plutôt que chaque piscine municipale le fasse seule. Il n’a pas souhaité le faire pour des raisons qui lui sont dues, mais force est de constater que les fondements de la République, l’Acte de 1905 et l’Acte de 1901 sont flous et confus.