Pour la première fois leAgence spatiale européenne (ESA) sélectionné un candidat handicapé. la médecin Britannique, ex-champion paralympique, John McFall a rejoint son programme de formation. L’homme de 41 ans, amputé de la jambe droite à l’âge de 19 ans suite à un accident de moto, est décrit comme « parastronaute « . Mais quels sont les enjeux de ce recrutement ? Quel est l’objectif de cette émission ? » 20 Minutes revient sur ce recrutement grâce à la perspicacité d’Estelle Moraux, maître de conférences en astrophysique à l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble et finaliste du recrutement 2008 et Guillaume Weerts, ancien Chief Medical Officer for Astronauts à l’ESA.
Quel est l’objectif du programme Parastronaute ?
Le programme « Parastronaute » vise à permettre d’étudier et de trouver des solutions au défi que poserait l’envoi d’un astronaute handicapé dans l’espace. « Avec ma formation scientifique et mes différentes expériences, je me suis sentie obligée d’essayer d’aider l’ESA à répondre à la question : peut-on accompagner une personne atteinte d’un invalidité Physique dans l’espace pour y faire un travail significatif? John McFall a déclaré mercredi lors de la cérémonie de remise de la nouvelle bourse d’astronaute.
C’est une sorte d' »étude de faisabilité », explique Guillaume Weerts. « Il faut définir les problèmes, comment les tester, analyser tous les risques potentiels, définir leur gravité, leur probabilité, leurs solutions possibles », énumère l’ancien médecin-chef des astronautes de l’ESA, qui précise le programme après une estimation « grossière ». « entre cinq et dix » ans. L’ESA avait ouvert son processus de sélection finale pour trois types de handicaps différents, les membres inférieurs, une différence de longueur des membres inférieurs ou une taille inférieure à 1,30 m.
Le handicap du nouveau parastronaute n’est « pas un problème dans le métier d’astronaute, où il n’y a pas de pesanteur et où il ne faut pas se lever », souligne Estelle Moraux, maître de conférences en astrophysique à l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble. Or, « tous les handicaps sont incompatibles », notamment ceux des membres supérieurs lors des « excursions à l’extérieur du véhicule où l’on peut se tenir debout à deux mains sans s’arrêter », précise-t-elle. « Le milieu spatial n’est pas anodin, ce n’est pas un milieu auquel l’organisme humain est habitué, tout le monde ne pourra pas y aller », précise Guillaume Weerts.
Quels enjeux ce recrutement présente-t-il ?
L’Agence spatiale européenne reconnaît la diversité des handicaps. « Le terme ‘handicap’ n’est pas une définition très claire, il y a plusieurs cas de handicap, donc on ne peut pas faire de règles générales, il faut juger au cas par cas », souligne Guillaume Weerts. « La sélection en elle-même n’est pas très physique, on ne nous demande pas d’être des athlètes », explique Estelle Moraux, qui figurait parmi les dix dernières finalistes en 2008 – six ont été retenues.
« La première phase est celle des dossiers, suivie d’une phase de tests psychotechniques etAnglais et enfin des entretiens psychologiques et des exercices d’équipe sous la contrainte », énumère-t-elle, mais note « une semaine de tests médicaux » qui n’a pas été « très physique ». Jusqu’à présent, cependant, les personnes handicapées ont été éliminées immédiatement. C’est « peut-être le point le plus important de ce projet », note Guillaume Weerts. « On passe de règles intangibles pour chacun à des situations individuelles » et de la notion de « handicap » à la notion de « capacité » (en l’occurrence « de l’incapacité » à la « capacité »).
« Il faut s’adapter à chaque fois et faire au cas par cas », confirme Estelle Moraux. Cependant, l’ESA espère réussir à établir une sorte de feuille de route. « Ce qui est important dans le projet, c’est le développement de la méthodologie, nous allons la baser sur un cas concret afin de l’extrapoler », explique Guillaume Weerts. Le processus de recrutement des astronautes pourrait devenir moins exclusif. « Au lieu de dire : ‘Ah, t’as compris, au revoir’, on pourrait dire : ‘On verra si c’est encore possible’ – et ainsi considérer les handicaps comme des ‘caractéristiques personnelles' », simplifie l’ancien médecin-chef de l’ESA.
Le message symbolique est-il essentiel ?
« Nous ne pouvons pas promettre d’accueillir tout le monde et de les inclure pleinement, ce ne sera pas possible. Mais ce programme signifie que nous sommes prêts à examiner jusqu’où nous pouvons aller et ce qu’il faut faire pour être plus inclusifs », explique Guillaume Weerts. Un message clé d’inclusivité. « C’est un vrai effort et c’est aussi pour motiver toute une population qui se voyait comme exclue, qui pensait que c’était impossible pour elle alors qu’on se rend compte que ce n’est pas le cas », décode Estelle Morals.
John McFall s’est dit « incroyablement fier et excité » d’avoir été sélectionné : « C’était comme un tourbillon parce qu’en tant qu’amputé, je n’aurais jamais pensé devenir astronaute. « Ce sont des métiers qui font rêver et qui semblent hors de portée. Il est donc très important de faire attention à l’inclusion, de montrer qu’elle est accessible au plus grand nombre et d’éviter qu’elle ne s’autocensure », souligne Estelle Moraux, ajoutant que la représentativité est essentielle.
« Le message que je veux transmettre aux générations futures est que la science est pour tout le monde et j’espère que l’espace peut être pour tout le monde », a déclaré John McFall après sa sélection. « Tout le monde », mais avec au moins un master, trois langues parlées couramment, trois ans d’expérience professionnelle, moins de 50 ans et des capacités intellectuelles et psychologiques exceptionnelles.