Avis d’orage à l’Institut d’études politiques (IEP) de Grenoble. Klaus Kinzler, professeur d’études allemandes et de civilisation allemande, a été suspendu de ses fonctions pendant quatre mois à la mi-décembre par la direction de l’institution. Accusé d’islamophobie par des élèves de l’école en mars, l’enseignant est désormais sous le contrôle de l’IEP pour avoir tenu des « propos calomnieux ». Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, a critiqué cette décision et annoncé lundi 20 décembre qu’il suspendrait chaque année la subvention municipale pour l’école de Grenoble. Revue de cette affaire en cinq actes.
1Fin 2020 : discussions autour du terme « islamophobie »
Les premières tensions entre Klaus Kinzler et ses élèves remontent à fin 2020. En novembre, l’enseignant a échangé des courriels avec un professeur d’histoire au sujet d’une journée de débat organisée à l’IEP intitulée « Racisme, antisémitisme et islamophobie ». Le terme « islamophobie » pose problème au professeur de civilisation allemand car il ne repose sur aucune certitude scientifique.
Des e-mails vengeurs échangés officieusement avec son collègue, Klaus Kinzler est rapidement passé aux publications sur son blog. Selon France Inter, écrit-il notamment, « n’aimant pas beaucoup cette religion » (l’islam), ajoutant qu’elle « lui fait franchement peur, comme beaucoup de Français ». Il s’excuse plus tard et admet qu’il « s’est laissé emporter ». Mais la colère de certains élèves de l’IEP Grenoble commence à monter.
24 mars 2021 : L’enseignant est traité de « fasciste » par les élèves
Quatre mois plus tard, l’affaire prend soudain une dimension nationale. Le 4 mars, le nom de Klaus Kinzler et d’un autre enseignant a été inscrit sur la façade de l’école, accompagné des mots : « Des fascistes dans nos amphithéâtres. L’islamophobie tue. Une banderole que plusieurs syndicats étudiants, dont l’Unef, ont ensuite relayée sur les réseaux sociaux.
La direction de l’IEP condamne « très clairement » les agissements de leurs élèves contre les deux enseignants. Le parquet de Grenoble ouvre également une enquête préliminaire pour « humiliation » et « injure publique ». Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a dénoncé des « insultes » et des « pressions » qui « n’ont pas leur place dans l’enseignement supérieur ».
3Entre mars et décembre : un long bras de fer avec la direction
Sabine Saurugger, la directrice de l’IEP, avait alors indiqué à l’AFP que le professeur avait été rappelé à l’ordre pour ses propos. Pour ne pas aggraver la situation, elle a demandé « cinq fois » à Klaus Kinzler de ne pas répondre aux demandes des médias Le figaro. « Si vous êtes approché par des journalistes à propos de cette actualité, envoyez le mail ou contactez le service communication qui, en concertation avec moi, apportera la réponse la mieux adaptée à la stratégie de communication choisie. ‘ a-t-elle également écrit dans un e-mail envoyé à tous les employés.
« En tant que directeur et votre supérieur hiérarchique, j’espère donc que vous ne réagirez pas aux demandes des médias sur les affaires internes de l’IEP », précise directement l’enseignant, selon le quotidien.
Mais Klaus Kinzler n’écoute pas les consignes de sa direction et multiplie les interviews début décembre Marianne, opinion ou sur CNews. Trois entretiens de haut niveau dans lesquels le professeur allemand décrit l’IEP comme un institut de « rééducation politique ».», qui accuse un « noyau dur » de confrères de défendre des théories « réveillées » après lui.
414 décembre : Klaus Kinzler est libéré
Sabine Saurugger était très mécontente de ces communiqués de presse. Le directeur de Sciences Po Grenoble accuse l’enseignant d’avoir tenu « des propos diffamatoires contre l’établissement où il travaille et contre la personne de son directeur » et d’avoir « porté gravement atteinte à l’intégrité et au professionnalisme de son personnel ».
Elle décide donc, par arrêté du 14 décembre, de suspendre l’enseignant de son poste pour une durée de quatre mois et annonce que le conseil de discipline de l’établissement se réunira « dans les plus brefs délais ». Une décision contestée par Klaus Kinzler et ses avocats, qui dénoncent une chasse aux sorcières. Ces derniers estiment que leur client a été « obligé de parler pour se défendre » après avoir été interrogé « sur la place publique ».
520 décembre : La région arrête de subventionner l’IEP
Le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, a réagi : « Sciences Po Grenoble est depuis trop longtemps dans une dérive idéologique et communautaire inacceptable. suspend tout financement et toute collaboration avec l’entité », a tweeté le président LR de Conseil régional le lundi 20 décembre.
Une élection « politique » par l’ancien ministre, qui déplore la gestion de l’IEP. Dans un communiqué mardi et cité par France 3Elle assure que le soutien financier de la région – environ 100.000 euros par an – ne correspond pas à des subventions, « mais essentiellement à l’attribution de bourses à des étudiants ». La direction de l’établissement grenoblois demande donc à Laurent Wauquiez de « reconsidérer sa décision dans l’intérêt des étudiants ».
« L’IEP est une organisation républicaine où nous formons des jeunes hommes et femmes pour qu’ils soient les leaders de demain. C’est une institution où l’on respecte la laïcité, la liberté d’expression la plus stricte et la liberté académique », a affirmé le directeur dans un entretien à franceinfo. Sabine Saurugger rappelle également que « Laurent Wauquiez est membre du conseil d’administration de l’IEP de Grenoble depuis de nombreuses années » et assure qu’elle serait « très heureuse » d’évoquer avec lui l’évolution de l’établissement.