Nouveau bras de fer en Auvergne-Rhône-Alpes. Alors que le maire de Grenoble, Eric Piolle, veut autoriser le port du burkini dans les piscines municipalesle président régional, Laurent Waquiez, est contre. Sur son compte Twitter, il a déclaré : « M. Piolle envisage d’autoriser le burkini dans les piscines municipales. Je préviens le maire : dans ce cas, la région coupera toutes les subventions à la ville de Grenoble. »
M. Piolle envisage d’autoriser le burkini dans les piscines municipales.
Je préviens le maire : dans ce cas, la région coupera toutes les subventions à la ville de Grenoble. Pas un sou des Auvergnats-Rhônalpins ne financera votre soumission à l’islamisme. https://t.co/zrSQaC7OC1
— Laurent Wauquiez (@laurentwauquiez) 2 mai 2022
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La majorité du maire de Grenoble présentera ce nouveau règlement intérieur de ses piscines au conseil municipal du 16 mai. Le texte vise à promouvoir l’égalité d’accès aux services publics. Eric Piolle a réagi à ceci 20 minutes : « Vous pouvez venir avec un maillot couvrant pour vous protéger du soleil. Vous pouvez venir avec un maillot de couverture pour d’autres raisons. C’est l’égalité d’accès à la fonction publique. Il a également noté que s’il était adopté, le texte entrerait en vigueur le 1er juin, pour l’ouverture des piscines pour l’été.
Le président régional de Grenoble pourrait-il vraiment « couper toutes les subventions » si la nouvelle réglementation était votée ? 20 minutes fait le point.
PAS CORRECTE
« Une subvention n’est pas un droit », souligne Christophe Mondou, maître de conférences en droit municipal et public à l’université de Lille. Pour qu’une subvention soit attribuée, qu’elle soit à une association ou à une mairie, les deux parties doivent signer une convention d’objectifs et de moyens. Les règles doivent être respectées. « En cas de non-respect de la réglementation ou d’une pratique illégale, le contrat pourrait être rompu », poursuit-il.
Mais si tel est le cas, la suppression des subventions touche à un point très précis. « Ce n’est pas possible de tous les couper, comme le dit Laurent Wauquiez. Nous ne supprimons pas les subventions à l’eau, aux cantines, aux écoles… pour un litige sur les piscines », explique Pierrick Gardien, avocat de droit public au barreau de Lyon.
Une attaque contre la laïcité dans la fonction publique ?
Eric Piolle ne passerait pas dans l’illégalité, notamment par autorisation le burkini dans ses piscines. Rien qui puisse donc permettre la suppression de la seule subvention pour les piscines municipales. « A moins que le président de région considère que cela viole la charte de la laïcité et donc ne respecte pas l’accord signé entre les deux parties », juge l’avocat.
Cette charte a été acceptée de la région Auvergne-Rhône-Alpes le 17 mars. Dès son entrée en vigueur Laurent Wauquiez explique : « Pas un seul centime d’argent public ne devrait être versé à ceux qui ne respectent pas les règles ! « Au sujet de la place des femmes dans les piscines et du port du burkini, il a annoncé que cela « n’a pas sa place dans les équipements de service public ».
Pierrick Gardien explique qu’aucune décision aujourd’hui ne dit que le port du burkini est contraire à la laïcité. « S’il n’y a pas de décision du Conseil d’Etat, chacun peut prendre une position différente. Il a le droit d’invoquer la Charte pour justifier sa décision », ajoute-t-il. « Est-ce que ça va tenir ? Nous ne pouvons pas être sûrs. »
« Tout est possible, mais pas forcément légal », souligne Régis Constant, avocat spécialisé en droit public général et en droit communautaire et intercommunal au barreau de Marseille. « La mairie de Grenoble peut saisir le tribunal administratif si elle estime que les motifs invoqués par Laurent Wauquiez sont insuffisants. Ensuite, le juge trancherait.
Qu’en est-il des futures demandes de subventions ?
Il est également possible que la subvention ne soit pas renouvelée. Chaque dossier étant contrôlé projet par projet, un rejet doit être motivé. « La région peut changer d’orientation, d’objectifs. Elle peut par exemple se tourner vers les sports de compétition et ainsi subventionner des clubs de natation », explique Christophe Mondou. Notez que dans ce cas, toutes les communautés doivent être traitées de la même manière. « La région ne peut pas traiter différemment Lyon et Grenoble », assène-t-il.
Mais après une telle déclaration publique, Laurent Wauquiez s’expose à de nombreuses contestations. « Il aurait pu décliner discrètement les prochaines subventions. Mais maintenant, une fois qu’il y a un refus, il peut y avoir un appel. Avec une question pour les collectivités : « Avez-vous vraiment réfléchi à ma demande ou est-ce la sanction d’une décision qui ne vous a pas plu ? », lance Régis Constant. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pour les juristes que d’un « coup de communication politique », peut-être pour « mobiliser les électeurs des extrêmes ».
Laurent Wauquiez n’est pas novice dans ce domaine
Eric Piolle a regretté l’absence de réponse d’Emmanuel Macron à sa demande d’étudier le règlement piscine pendant 20 minutes. « Il vaudrait mieux que la question soit abordée au niveau national plutôt que chaque municipalité le fasse seule. Et d’après lui, ce n’est pas une question de laïcité. On ne parle pas de laïcité dans les piscines ou dans les rues. Nous avons le même statut juridique et légal ».
Laurent Wauquiez est habitué au genre de menaces qu’il profère parfois. En décembre 2021, il retire l’aide de la région à l’Institut d’études politiques de Grenoble. Une différence cependant, c’est qu’il ne s’agit pas de bourses, mais surtout de bourses et d’aides à la vie sociale et aux projets étudiants.
Cette décision fait suite le licenciement de l’enseignant Klaus Kinzler. Ce dernier avait remis en cause le terme « islamophobie » et comparé l’école à « un camp de rééducation » où les enseignants dénonçaient le système « universaliste, démocratique et laïc » de notre société. Le président régional avait alors dénoncé une « dérive idéologique et communautaire ».